Admission des créances : rejet des majorations alourdissant le passif

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06/10/2022
Affaires - Commercial

Sont inopposables à la procédure collective les clauses du contrat de prêt consenti au débiteur en redressement – majoration des intérêts et indemnité sur le capital restant dû – dès lors qu’elles sont en relation directe avec l’ouverture de la procédure collective, aggravant ainsi les obligations du débiteur. Dans son arrêt du 8 septembre 2022, la cour d’appel de Paris confirme le rejet de la demande d’admission des sommes fixées en application de telles clauses.
Aux termes de l’article L. 622-13 du code de commerce, applicable aux procédures de redressement judiciaire : "nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde".

Dans le présent arrêt, les juges du fond rappellent qu’il résulte de ce texte – tout comme de la jurisprudence rendue à son visa – que toute clause qui aggrave les obligations du débiteur, en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de l'ouverture de la procédure collective, doit être tenue pour non écrite.

La cour d’appel fait application de ce principe à propos de dispositions d’un contrat de prêt dont le bénéficiaire a été mis en redressement judiciaire durant la période de remboursement.

Clauses sanctionnant la défaillance de l’emprunteur
 
Par acte du 8 mars 2016, un établissement bancaire avait consenti à la SAS X…, organisatrice de foires et salons professionnels, un prêt de 70 000 euros, portant intérêt au taux de 2,50 % l'an et garanti par un nantissement sur fonds de commerce ; le contrat de prêt prévoyait, par ailleurs :
— l’application d’une majoration de trois points sur le taux contractuel pour toute somme non payée à son échéance ;
— le paiement d’une indemnité contractuelle de 5 % du capital restant dû dans le cas où la banque serait amenée à produire à un ordre amiable ou judiciaire.
 
La société X… ayant été placée en redressement judiciaire le 4 juin 2019, la banque avait déclaré sa créance à titre privilégié le 19 juin suivant pour un montant de 41 764,86 euros portant intérêts au taux contractuel, outre indemnité contractuelle de 5 % et majoration de trois points du taux d'intérêt (soit 5,50 % l’an), jusqu'à parfait paiement.
 
Le 17 août 2020, le mandataire judiciaire avait informé la banque créancière qu’il sollicitait le rejet partiel de la créance déclarée et proposait l'admission pour la somme de 41 764,86 euros outre intérêts au taux contractuel de 2,5 %... ce à quoi la banque s’était opposée. Le 20 novembre 2020 la procédure de redressement avait été convertie en liquidation judiciaire.
 
Par ordonnance du 1er septembre 2021, le juge-commissaire avait admis à titre privilégié la créance de la banque pour un montant total de 41 764,86 euros en principal, intérêts et accessoires et l'avait rejeté pour le surplus, "retenant que la clause de majoration des intérêts de trois points et la clause relative à l'indemnité de 5 % sur le capital restant dû étaient des clauses pénales, qu'elles étaient excessives et qu'elles devaient être ramenées chacune à un montant de un euro".
 
Soutenant que les deux clauses litigieuses insérées au contrat de prêt étaient parfaitement valables, puisqu’elles étaient prévues de manière générale en cas de retard de paiement, la banque avait interjeté appel de cette décision.
 
Clauses aggravant les obligations du débiteur
 
Statuant sur les intérêts contractuels, la cour d’appel :
 
— d’une part, admet les intérêts ayant couru et à courir sur le montant en principal (lequel n’est pas contesté par les parties) au taux de 2,5 % prévu au contrat. En effet, il résulte des dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce que le cours des intérêts pour les prêts d’une durée égale ou supérieure à un an n’est pas arrêté par le jugement d’ouverture ;
 
— d’autre part, déclare les deux clauses litigieuses inopposables à la procédure collective et déboute la banque de ses demandes à ce titre.
 
En effet, alors que la société X… était à jour du paiement des échéances du prêt souscrit à la date du jugement d’ouverture et qu’elle n’avait dû cesser leur règlement qu’en raison de l’ouverture de cette procédure, la cour d’appel estime, par voie de conséquence :
 
— que la mise en œuvre de la clause prévoyant l'application d'une majoration de trois points en cas de retard de paiement d'une échéance est en relation directe avec le placement en redressement judiciaire de la société X… et a donc aggravé les obligations de cette dernière ;
 
— que la clause prévoyant l'application d'une indemnité de 5 % lorsque la banque est dans l'obligation de produire à un ordre amiable ou judiciaire aggrave les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaire du seul fait de l'ouverture de la procédure collective.
Infirmant l’ordonnance du juge-commissaire en date du 1er septembre 2021, la cour ordonne l’admission de la créance de la banque à la procédure collective de la société X… pour la somme de 41 764,86 euros, outre intérêts au taux contractuel de 2,5 %.
 
Voir également : CA Paris, pôle 5, ch. 9, 8 sept. 2022, n° 21/16499, Lamyline.
 
Source : Actualités du droit