Fin du mandat exclusif d’un agent de voyages : l’invocation du vice de perpétuité

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13/04/2022
Civil - Contrat

Un mandat d’intérêt commun – toujours révocable par le mandant – ne constitue pas un engagement perpétuel prohibé.
Dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun, rappelons que le mandat peut être révoqué en vertu d'une cause légitime ou en application d'une clause et condition du mandat, ou si le mandataire a commis une faute telle que manquement de loyauté justifiant la révocation. C’est cette troisième voie que choisit de suivre un voyagiste dans l’affaire jugée le 6 avril dernier par la Cour de cassation pour rompre sa relation contractuelle avec son agent de voyage exclusif. Celui-ci l’assigne alors afin de voir juger abusive la rupture des contrats.
 
La cour d’appel rejette la demande du mandant en nullité des mandats et le condamne à verser à son mandataire une indemnité de rupture. Le mandant se pourvoit en cassation, invoquant la violation de l'article 1184 du Code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 2004 du même code. Pourvoi rejeté.
 
Sur la nullité du mandat exclusif. – L’article 18 du mandat prévoyait que « sauf manquement de l'agent à ses obligations contractuelles ou sauf cas de force majeure, la présente convention sera reconduite pour des durées identiques par tacite reconduction, à moins que l'agent ne fasse part de sa volonté de ne pas poursuivre l'activité ». Le mandant considère que les mandats sont constitutifs d'engagements perpétuels et, à ce titre, frappés d'une nullité absolue. La cour d’appel a relevé que les contrats en cause étaient renouvelables par tacite reconduction pour une même durée (en l’espèce 5 ans) ; elle en a déduit, à tort, qu'ils avaient une durée indéterminée. Cependant, « dans la mesure où elle a retenu qu'il s'agissait de mandats d'intérêt commun, lesquels sont toujours révocables par le mandant, soit pour juste motif, soit moyennant indemnité destinée à compenser le préjudice subi par le mandataire, c'est à juste titre qu'elle a retenu que ces contrats ne constituaient pas un engagement perpétuel prohibé ».
 
Sur la rupture abusive et le paiement d’une indemnité de rupture. – L'arrêt retient que l’agent a commis des fautes :
  • en vendant des produits du mandant à des prestataires de services touristiques (mais la participation du mandataire au développement d'une offre concurrente de nature à détourner les clients du mandant n'était pas démontrée) ;
  • en faisant financer par son mandant les délais ou facilités de paiement accordés à d'autres voyagistes.
Mais, au regard du contexte – le caractère ancien et connu de ces pratiques dans la profession – et en absence de mise en demeure par le mandant de cesser ces pratiques avant la résiliation, ces fautes ne constituaient pas une cause légitime de révocation du mandat d'intérêt commun, d'autant que les dossiers concernés étaient en faible nombre.
 
Par ailleurs, le mandataire avait pu préparer la poursuite de son activité et la lecture des pièces comptables ne démontrait pas de perte d'activité sous la nouvelle enseigne commerciale.
 
L'arrêt retient que le montant de l'indemnité due doit s'établir, selon les prévisions du contrat, aux termes duquel le mandant doit rémunérer l'agent, par une commission représentant un pourcentage du prix brut. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a fixé le montant du préjudice subi par le mandataire, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a fait.
 
Source : Actualités du droit